vendredi 22 février 2013

Aimer l’idée / Mot de la fin

À la douce mémoire de ma Mamie.
À Geneviève G., et à la mémoire de ta mère.


Ça fait longtemps que je l’ai en tête ce billet mais j’ai eu toute la misère du monde à le rédiger. Peut-être que je n’en avais tout simplement pas envie. Il faut dire que l’automne m’est rentrée dedans. Ma saison préférée, celle des feuilles rouges, oranges et jaunes, de mon mariage et de la naissance de mes enfants, a été assombrie par un vrai drame : l’impuissance face à la putain de maladie et la perte de ma fée marraine, de mon étoile. Vide, tristesse et sentiment de futilité entourant les propos tenus sur ce blogue... Quand la vie s’arrête, disons que tu te sens cheap de t’épancher sur ta névrose à 5 cents.

Les questions existentielles, les insécurités, les sautes d’humeur, l’apitoiement et les interminables séances d’argumentation stériles, se sont tout à coup dissipés devant la réalisation que, à presque 40 ans, mon temps sur cette terre était compté et que je n’avais plus d’énergie à gaspiller en quantité industrielle. Cette épiphanie, je la dois à John, mon chum philosophe, à qui j’ai souvent rendu hommage dans ce blogue mais qui en fait, mérite une médaille de bravoure pour avoir accepté de traverser les quinze dernières années avec moi ! Un coup de poing dans le ventre aurait été moins violent... Après avoir encaissé cette phrase qui tue, je me suis recroquevillée sur mon divan, dans l’obscurité, et j’ai contemplé le vide pendant plusieurs heures avant de voir enfin l’épaisse couche de brouillard se lever.

Quel lien avec « Aimer l’idée » ? Je préfère souvent m'imaginer réaliser de 
« grandes choses », plutôt que de prendre le risque de les vivre pour vrai, de peur d'échouer (lire ici, de ne pas atteindre la perfection). Je me projette dans toutes sortes de scénarios grandioses et disons-le, franchement kétaines, dans lesquels je suis toujours la meilleure, dans absolument tout ce que j’entreprends. Et c’est beau... oh que c’est beau ! Et je suis donc bonne et le monde m’aime ! Sauf que pendant que je m’emplis la tête de ces scènes absurdes de films d’adolescentes à l’eau de rose, et bien il ne se passe a-b-s-o-l-u-m-e-n-t rien. Je suis tellement occupée à imaginer mes futurs chefs-d’oeuvre que j’oublie de faire les choses pour vrai.

Prenons par exemple ma participation au concours C’est juste de la TV en novembre dernier. J’étais convaincue que je méritais ma place autour de la table ! Plus que ça, cette place me revenait de droit. Je me voyais déjà donnant la réplique à Anne-Marie Withenshaw, analysant mes émissions préférées et étalant mon imposante culture télévisuelle... Seul hic, il fallait soumettre une mini vidéo... argh ! Pas grave, j’allais produire LA meilleure : pertinente et percutante, qui allait me révéler aux producteurs de l’émission et à tout le Québec. À moi le showbizz ! J’exagère à peine. Et pendant que je peaufinais mentalement cette perle de créativité le deadline approchait à grands pas, pour finalement me réveiller à quelques jours de la date limite avec que dalle, alors que plusieurs excellentes vidéos réalisées par d’autres candidats étaient déjà en ligne récoltant des tonnes de « J’aime ». Résultat : un planning bâclé, des propos superficiels, un concept déjà vu et une extrême nervosité devant la caméra. J’avais déjà calé deux généreuses coupes de blanc lorsque mon chum (encore lui, le pauvre !), mandaté comme réalisateur/caméraman d’un soir, a finalement crié coupé ! Une expérience stressante et déplaisante pour tout le monde, moi la première, que j’ai vécue tellement souvent dans ma vie professionnelle... Dès que l'on me confiait un mandat d’envergure, la projection (ainsi que le pathétique processus que je viens de vous décrire) se mettait automatiquement en branle. And guess what? Je n’ai pas remporté tous les prix. Même que des fois je me suis plantée solidement, pour ensuite pleurnicher « c’est ça, je suis bonne dans rien ! ». Bonne dans rien ou pas la meilleure dans tout ?

C’est ça l’essence de Catherine Masson : des hauts et des bas. Des fois passionnée et captivée par plein de trucs et des fois, par rien en particulier. Parfois énergique et des fois (souvent !) fatiguée. Qui n’aime pas vraiment la compétition (sauf quand je joue à Quelques arpents de pièges), qui veut exploiter ses différents talents et les multiples facettes de sa personnalité mais pas tous en même temps. Qui entretient le rêve de performer, de briller de tous ses feux et d’être reconnue et admirée mais qui n’a pas toujours envie de s’investir. Peut-être que finalement, même si j'aspire secrètement à devenir championne du monde toutes catégories, j’aime davantage l’idée de juste vivre ma vie et d’avoir du plaisir à le faire...

Première décision en ce sens : laisser tomber l’entraînement pour le 21k cet été. L’atteinte du 10k a été pour moi un gros objectif, que j’ai réalisé beaucoup plus tôt que prévu. Les gens autour de moi me félicitaient et les « coureurs experts » s’entendaient tous pour me dire que j’étais prête pour le demi-marathon... Et moi (ou plutôt mon égo apeuré) de répondre : « oui, oui, c’est la prochaine étape, je commence l’entraînement au mois de mars !  ». Et voila, Catherine l’insécure, la carencée en quête d’approbation, renouant allègrement avec ses mauvaises habitudes. La vérité, c’est que je n’ai aucune envie de courir 21k, en tout cas pas pour l’instant. Je cours pour rester en forme mais surtout, pour conserver mon équilibre mental. Le 10k est une bonne distance qui me procure suffisamment de challenge. J’aime essayer différents parcours, rencontrer des gens et surtout, la course est le seul moment où mon esprit est totalement libre. Pourquoi gâcher ça ? Pour prouver que je suis la meilleure ? Non merci.

Autre décision : je vous informe que ce billet sera mon dernier, du moins sous la bannière de l’Imposteure. Quand je regarde cette fille, je la reconnais de moins en moins. Bien sûr, on ne change jamais complètement et l’Imposteure fera toujours partie de moi, mais disons que j’ai appris à la gérer. Beaucoup de chemin a été parcouru depuis la première fois, où après avoir appuyé sur le bouton Publish, je me suis cachée sous la table de la salle à manger, rongée par le doute ! Mais ce fut une délicieuse aventure. Je dirais même un passage obligé, dans cet important processus de compréhension et d’acceptation de ma belle complexité.

Alors que débute un nouveau chapitre de ma vie, je suis angoissée (of course!) mais aussi excitée. Je ne suis pas dupe. Les mêmes pièges sont toujours là mais au moins maintenant, je les connais. Et même si je tombe dedans, je sais que je peux me déprendre. Nothing is as bad as it seems.

Une tonne de pression vient de tomber. Je vous le dis mes amis, j’ai fait le choix de la légèreté et j’ai envie de flyer, haut !

Merci à vous tous, fidèles lecteurs. Votre intérêt soutenu envers mes états d’âme aura été un merveilleux cadeau.

Catherine xx